mercredi 5 novembre 2008

L'inspiration que je n'ai pas - Barbara HEBRARD

L'inspiration
que je n'ai pas
va se transformer
en quelques lignes
en une suite
peut-être logique
de mots, qui,
bout à bout,
signifieront
un jour
quelque chose,
cette chose
qui veut dire
absence
d'inspiration
pour des mots
qui n'ont pas
de
langage.

 

Barbara HEBRARD.

Acte III Scène 5 (épilogue d'une tragédie roumaine) - Karel KARJALAN

            Acte III scène 5 (épilogue d'une tragédie roumaine)

 

Elle était étendue sur le sol poisseux d’un bouge de Constança, sereine, inanimée, morte.

 

Lorsque les plombs avaient transpercé sa poitrine, ne voulant pas croire que c’était elle qui avait été touchée, elle avait observé autour d’elle et avait essayé de convaincre du regard les clients qu’elle était indemne. A leurs visages horrifiés, elle avait compris qu’il était temps de tomber, et n’y tenant plus, s’était laissée choir parmi les mariniers, les « commerçants du soir », les chauffeurs de taxi et les hôtesses qui hantaient encore le bar.

Malgré la musique dance bulgare qui continuait de battre au rythme de son cœur, et les néons qui diffusaient une faible lumière bleutée pour persuader les clients que la nuit ne finirait pas, le soleil s’était levé sur la mer Noire. Le premier rayon du jour avait frappé la salle sombre lorsque la porte s’était ouverte ; instinctivement, elle avait tourné la tête, mais en fait de croiser ses yeux, elle n’avait pu percevoir que le reflet du soleil sur l’arme et l’étincelle qui avait jailli lorsqu’il avait tiré, trois fois… Mourir au lever du jour n’était somme toute pas si difficile, mais agoniser étendu à côté de son assassin, là est l’inacceptable.

L’homme hirsute, chétif et aux traits fins et au visage blafard, qu’elle avait aimé autrefois et qui lui avait tiré dessus, avait aussitôt pris le parti de faire se répandre son propre sang sur le même sol où elle s’était écroulée. Dégoûtée à l’idée de voir leurs fluides se mêler une nouvelle fois, elle roula sur elle même et chercha à se relever, en prenant appui sur ses coudes, mais elle mit fin à son effort lorsqu’elle sentit un voile se poser sur ses yeux, et résolue, se laissa retomber sur le dos. Arrachant une épaule au sol, elle jeta un regard à l’autre ; il avait réussi à s’enlever la vie proprement ; le rat, les bras en croix, ne bougeait plus, tandis qu’un filet d’hémoglobine, par un flux régulier, s’échappait de son globe oculaire. Rassurée, elle laissa son regard se porter vers le bassin à flot par lequel les eaux brunes du Fleuve se déversaient dans la mer ; un porte conteneur flambant neuf en sortait, sur sa poupe avait été peint en caractères cyrilliques son nom ainsi que son futur port d’attache :  Moldavanka  - Odessa

Aurait-elle le temps de le voir disparaître à l’horizon ou perdrait-elle connaissance avant ? Tandis qu’elle songeait s’affairait autour d’elle la troupe des noctambules paniqués et maladroits ; on lui proposait de l’eau, de la twsika, un vieux matelot parlait de chirurgie de marine, et d’autres s’assuraient de la mort du tireur en assénant à son corps de violent coups de bottes dans les côtes. Elle porta la main à son ventre, la retira aussitôt, poisseuse, puis regarda encore une fois vers le bateau. Lentement, il sortait de la rade, lentement, sans heurts, inéluctablement…

 

Elle avait laissé ses yeux se fermer. Soudain il faisait jour.

Karel KARJALAN

Danse éclatée - Baptiste BLOCH

1.

Vision d’azur

En pente rase

 

Sur la jetée

S’estompe verte

 

Cette robe

 

2.

Sombre glisse

L’ombre lisse

 

Et libre enfin

Musique

 

3.

La brume bleue

Bascule

Se brise

 

La bise au bal

 

Baptiste BLOCH