lundi 8 décembre 2008

Errance - Octan d'Aurmale

.Les draps avaient l'odeur du café qu'il buvait.
Brûlant, très noir, trop sucré, comme il le prenait toujours au réveil.
La chambre était grande et claire. Une fenêtre lui faisait face qui ouvrait sur tout un monde pressé, hanté de succès légers, de bons mots cinglants et de gros titres attrayants. Il pouvait ressentir les vibrations exhaltées qui animent les jeunes lions débarqués de leurs écoles huppées, qui se font un monde de quelques confettis bien rémunérés de l'économie de marché.
Il était fatigué et jouait à faire pivoter un briquet entre ses doigts.
Il gratifia son lit d'un de ces regards embrassant qui ont valeur de bilan. L'édition anti-datée du Monde et son supplément économique, son ordinateur portable ouvert sur la page-profil qu'il ne cessait de recréer, deux livres d'Hemingway comme il n'en écrirait jamais, un stylo plume, une montre, son i-phone. Etrange liste poétique d'un jeune homme ennuyé comme d'autres avaient été énervés.
Une belle journée s'annonçait au micro des radio-célébrités d'Ova.

Il se réveillait de cinq années d'amour frustrée. Un long tête à tête improvisé au rythme emboité d'un tango ambiguë. Oh, il avait aimé sans regrets ! La fille était belle et l'histoire compliquée, amitié troublée de déclarations enflammées, sans suite. Il y mettait un point final. Fini donc, les jeux cruels auxquels ils s'étaient adonnées ces dernières années, se blesser par Autres interposés. Se baiser par procuration. Enfin, se voiler les idées.
Aujourd'hui, tout allait changer.

Instantanément tout se tu autour de lui.

La poussière balaya toute pensée sur son chemin.

Blanc de cendre, noir de plâtre en particules, il cracha du sang.
Aucun bruit dans la nuit de suie.
Tout était blanc à présent.

Une autre fraction d'éternité et ses pupilles l'ont brûlées et sa peau s'est tanée, sans qu'il parvienne à le réaliser.

Il était frappé de stupeur, la peur au coeur. Mais ses yeux s'étaient asséchés, aucune larme ne pu le soulager. Il restait pétrifié. La douleur était trop forte à supporter, alors son corps l'oublia, pour exister encore.
Sans sens pour accrocher la réalité, il ne su rien avant de sombrer, saisi, au milieu d'une trouée de fumée.

Errance.
Dirigé par la déflagration qui avait emportée les belles années.
Le quotidien violé s'échappait en éclats de soi.
Une longue gueule de bois dont on ne parvenait pas à se défaire, défait de tout.
Ainsi ses souvenirs n'en était pas...

Octan d'Aurmale

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Magnifique